WASHINGTON (Reuters) – Le projet de Dôme d’or, le bouclier antimissile futuriste voulu par le président américain Donald Trump, relance une idée controversée datant de la guerre froide, qui risque de transformer l’espace extra-atmosphérique en zone de conflit et de bouleverser les relations entre puissances spatiales.
Ce projet d’un coût évalué par la Maison blanche à 175 milliards de dollars, qui se composerait d’un vaste réseau de satellites et d’armes déployées en orbite terrestre, est susceptible de donner un énorme coup d’accélérateur à la militarisation de l’espace, déjà amorcée au cours de la décennie écoulée, selon les experts.
Si de grandes puissances spatiales comme les États-Unis, la Russie et la Chine ont mis en orbite des satellites militaires et de renseignement depuis les années 1960, elles l’ont fait le plus souvent dans le secret.
Sous la présidence de Joe Biden, l’armée américaine a lourdement insisté sur la nécessité de renforcer les capacités spatiales offensives pour contrer les menaces de la Russie et de la Chine.
Lorsqu’il a évoqué pour la première fois son projet de “Dôme d’or” en janvier, Donald Trump a cependant changé de braquet en se montrant prêt à déployer dans l’espace une technologie coûteuse qui n’a pas encore été testée et qui pourrait surtout constituer une poule aux oeufs d’or pour le secteur de la défense américain.
Le projet prévoit le déploiement dans l’espace de missiles qui pourraient être lancés par des satellites placés en orbite pour intercepter des missiles conventionnels ou nucléaires tirés depuis la Terre.
“Je pense que ça ouvre la boîte de Pandore”, relève Victoria Samson, directrice à Washington du centre de réflexion Secure World Foundation, et spécialiste des questions spatiales. “Nous n’avons pas vraiment réfléchi aux conséquences à long terme d’un tel déploiement” de missiles dans l’espace, souligne-t-elle.
Pour de nombreux experts, le projet de Dôme d’or pourrait inciter d’autres États à placer des systèmes similaires en orbite ou à mettre au point des armes sophistiquées capables d’échapper au bouclier antimissile, ce qui provoquerait une course aux armements dans l’espace.
La Chine a vivement réagi à l’annonce de Donald Trump, estimant que son projet comporte de “fortes implications offensives” et augmente les risques de militarisation de l’espace extra-atmosphérique et de course aux armements.
La Russie, dont les moyens financiers sont très inférieurs à ceux des Etats-Unis, s’est montrée plus prudente et a suggéré l’ouverture de discussions avec Washington sur le contrôle des armes nucléaires.
“NOUS SOMMES PRÊTS”
Le “Dôme d’or” ressuscite un vieux projet datant de la guerre froide, l’initiative de défense stratégique (IDS) de l’ancien président américain Ronald Reagan, plus connue sous le nom de “guerre des étoiles”.
L’IDS prévoyait le déploiement d’une constellation de satellites et de puissantes armes laser en orbite terrestre basse, théoriquement capables d’intercepter un missile nucléaire balistique lancé n’importe où sur la Terre.
Mais l’idée n’a jamais abouti, principalement en raison d’obstacles technologiques, d’un coût élevé et de la crainte qu’il ne viole le traité sur les missiles antibalistiques conclu en 1972 entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, qui a depuis été abandonné.
Le Dôme d’or a de nombreux partisans au sein du complexe militaro-industriel américain.
“Nous savions que ce jour arriverait probablement. Nous sommes prêts”, a déclaré à Reuters Ken Bedingfield, directeur financier de L3Harris, développeur des capteurs sur lesquels devrait reposer le bouclier antimissile.
SpaceX devrait jouer un rôle clé dans le projet, compte tenu de la proximité entre son patron, Elon Musk, et Donald Trump, de même que le développeur de logiciels Palantir et le fabricant de drones Anduril.
Les noms de L3Harris, Lockheed Martin et RTX Corp ont aussi été mis en avant lors de la conférence de presse qui a suivi la présentation du projet mardi à la Maison blanche.
Le financement du Dôme d’Or reste cependant incertain. Les élus républicains ont Congrès ont proposé d’y consacrer pour commencer 25 milliards de dollars, dans le cadre d’un plan de défense plus large doté de 150 milliards de dollars. Mais il n’est pas acquis que ce projet de loi bénéficie d’un soutien bipartisan suffisant pour franchir tous les obstacles législatifs.
(Avec la contribution de Mike Stone; version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)
par Joey Roulette